Critique

Le pouvoir de suggestion de Pacto da Viola 

Robledo Milani

Entre le monde dit civilisé et le monde des légendes et du folklore

Ce film est une incursion bienvenue dans le cinéma de genre (science-fiction, fantastique et horreur) au Brésil. Mais contrairement à ce qui est de plus en plus fréquent, où les jump scare font fusion, les bandes sonores stridentes et les montages hachés sont presque devenus la norme, dans Pacto da Viola, le rythme est différent — pour notre grand bonheur. Le réalisateur et scénariste Guilherme Bacalhao — un nouveau venu dans le format, mais loin d’être un débutant — fait preuve d’une curieuse certitude quant à ce qui l’attend, tant en ce qui concerne le déroulement de l’histoire que le développement et la consolidation des personnages impliqués dans les événements dont nous sommes témoins. Les liens entre eux sont solides, même s’ils se manifestent dans des dynamiques différentes : il y a l’étranger (ou presque) qui ne croit pas grand-chose, ainsi que les anciens qui répètent à demi-mot ce qu’ils savent sur ce qui n’est pas vu ou même mentionné. Entre soupçons et suggestions, le mystère se construit. Sans révélations évidentes ni effets fugaces, mais, en revanche, en obtenant un effet plus pervers et durable.

Nous parlons du « mal », le secret à peine caché qui se trouve derrière les événements principaux de Pacto da Viola. Lorsqu’il apprend que son père est malade, Alex (Wellington Abreu, de O Espaço Infinito, 2023) décide de quitter — bien que temporairement — la vie à la capitale pour retourner à la campagne. Dans la petite ville d’Urucuia, celle de son enfance, en pleine transformation. L’agro-industrie s’est emparée de tout et de tous — les jeunes qui restent dépendent de « la ferme » pour toute forme de travail et de subsistance, la géographie du lieu est également soumise à la volonté des « patrons » — et l’espoir de maintenir les anciennes traditions et coutumes se perdent. Le garçon rêve de devenir chanteur de Sertanejo (une country brésilienne), mais il n’a qu’une vieille guitare et quelques CD enregistrés à compte d’auteur, un produit qui n’intéresse personne. Alors, comment éviter le même sort qui s’abat chez tous ceux qui l’entourent ? Deux options : se résigner ou fuir ?

La relation qui se dévoile peu à peu entre le monde dit civilisé et le monde des légendes et du folklore qui alimentent les croyances des habitants est intéressante. Lorsqu’il arrive et trouve son père alité, le premier réflexe d’Alex est de l’emmener au centre de santé, un projet vite écarté par la tante chargée de soigner le malade. Il y a d’autres choses à essayer d’abord. Une forte prière, un rituel pour « recoudre » le corps, la consécration du bœuf dédié aux saints. Mais rien n’arrête le bruit du serpent à sonnette qui se rapproche de jour en jour. Personne ne l’entend plus, mais le vieil homme sait que son heure approche. Qu’a-t-il pu faire pour avoir si peur de payer cette prétendue dette ? La révélation vient au jeune homme d’une manière biaisée : et si le contrat conclu il y a tant d’années ne l’avait pas été avec celui d’en haut, mais plutôt avec une force d’en bas, encore plus séduisante et pleine d’arrière-pensées ? Est-ce la raison pour laquelle le père n’a plus jamais joué de la guitare après la mort de sa femme ? Le non-croyant se retrouvera donc lui aussi croyant.

Le dilemme de l’un se rapproche de l’autre, faisant apparaître des parallèles entre hier et aujourd’hui. En effet, si le vieil homme ne veut plus utiliser le don qu’il a reçu comme guitariste, principalement parce qu’il nie le prix élevé qu’il lui a coûté, qu’aurait à perdre le fils, qui ne demande qu’à profiter du même talent que celui qui a été dédié à son père ? Travaillant dans des immenses plantations de soja, au milieu de pesticides toxiques et de silos sans fin dans lesquels on peut se perdre jusqu’à ne jamais être retrouvé, le rêve de sa cousine de partir semble n’être qu’un rêve éveillé. Lorsque le protagoniste apprend que le diable se cache dans un trou d’une petite église oubliée des fidèles, c’est là qu’il va. Au début, c’est presque une blague, une farce sans grandes conséquences. Mais quand les options s’épuisent, c’est la seule solution qui lui reste. Et pour sauver l’un, il faut condamner l’autre, comme un échange de bâtons — et de responsabilités.

Le pacte qui donne son titre au film est une menace qui pèse sur les protagonistes du début à la fin, et la possibilité (ou non) qu’il se concrétise est l’une des réussites de Pacto da Viola. En utilisant une narration lente et qui reflète le manque d’horizon, tout en construisant sa tension davantage par la manipulation du point de vue et le pouvoir de suggestion, Guilherme Bacalhao offre à ses spectateurs un exercice d’atmosphère qui n’est peut-être pas facile à apprécier et à reconnaître, mais qui se confirme solidement lorsqu’elle s’est ancrée dans l’expérience de ceux qui la regardent. Effort constant d’une narration, film à la limite de l’artisanat, mais qui indique une voie intéressante et qui n’exige pas une acceptation inconditionnelle, mais ceux qui l’empruntent en sortent transformés. Comme un ensemble de parties, précieuses si elles sont séparées, et d’une force indéniable si elles sont réunies.

Par Robledo Milani / Papo de Cinema / traduit par Kinolatino

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